Ici il faut revenir aux livres et à la lecture
Il me semble ne jamais avoir abordé cet auteur de nouvelles que j'aime par dessus tous et que je lis et relis. .
Katherine Mansfield
https://www.bing.com/images/search?view ... =0&eim=1,6
https://www.babelio.com/auteur/Katherine-Mansfield/5033
https://www.youtube.com/watch?v=2PZnD-MUiI4
et il y a quelques citations au début de ce fil
https://somanyparis.com/2015/02/19/kath ... e-zelande/
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Le fait est que l'école où allaient les petites Burnell n'était pas du tout le genre d'établissement que leurs parents auraient choisi s'ils avaient pu choisir. Mais il n'y en avait pas d'autre ; cette école était la seule à des milles à la ronde. En conséquence, tous les enfants du voisinage, les petites filles du juge, les filles du docteur, les enfants de l'épicier et ceux du laitier étaient forcés de se mêler. Et, pour comble, l'école comptait un nombre égal de vilains petits gamins mal élevés. il fallait pourtant bien établir une limite. Les Kelvey marquaient la limite. Nombre de fillettes, y compris les Burnell, n'avaient même pas la permission de leur adresser la parole. Elles passaient, la tête haute, près des Kelvey et, comme elles lançaient la mode en ce qui concernait les usages, tout le monde fuyait les Kelvey. La maîtresse elle-même prenait une voix particulière quand elle leur parlait et avait un sourire particulier à l'adresse des autres enfants quand Lil Kelvey s'approchait du pupitre en portant un bouquet de fleurs affreusement vulgaires.
C'étaient les filles d'une petite blanchisseuse, active et laborieuse, qui faisait des journées à domicile. Situation déjà assez choquante. Quant à Mr Kelvey, où vivait-il ? Nul ne le savait avec certitude, mais, au dire de tous, il était en prison. C'étaient donc les filles d'une blanchisseuse et d'un gibier de potence. Jolie compagnie pour les enfants des autres ! Et elles en avaient bien l'air. On s'expliquait difficilement pourquoi Mrs Kelvey les habillait d'une manière aussi voyante. En réalité, elle taillait leurs vêtements dans des "bouts" donnés par les personnes qui l'employaient. Lil, par exemple, qui était une grosse fille laide, au visage couvert de taches de rousseur, venait en classe vêtue d'une robe faite dans un tapis de table en serge verte, qui avait appartenu aux Burnell ; les manches de peluche rouge provenaient de rideaux envoyés par les Logan. Son chapeau, perché au sommet de son grand front, était un chapeau de grande personne ; il avait appartenu à Miss Lecky, la receveuse des postes. Il était relevé derrière et orné d'une grande plume rouge. Comme elle était fagotée ! ... Impossible de ne pas rire. Sa petite sœur, notre Else, portait une longue robe blanche, qui ressemblait à une chemise de nuit, et une paire de bottines de garçonnet. Quoi qu'elle eût porté d'ailleurs, notre Else aurait eu l'air étrange. C'était une petite enfant rabougrie, aux cheveux courts, aux yeux énormes, solennels - une petite chouette blanche. Nul ne l'avait jamais vue sourire, elle ne parlait presque jamais. Elle allait dans la vie, cramponnée à Lil. Où allait Lil, notre Else la suivait. Dans la cour de récréation, sur la route, dans leurs trajets entre la maison et l'école, Lil marchait en avant et notre Else suivait, cramponnée à sa sœur. Quand elle voulait quelque chose, quand elle était hors d'haleine, notre Else donnait à Lil une secousse, tiraillait sa jupe ; Lil s'arrêtait, se retournait. Les Kelvey se comprenaient immanquablement. " K. M- La maison de poupées
"Tout au fond de l'océan
Gît un coquillage arc-en-ciel.
Il est là, toujours, brillant paisiblement
Sous les plus hautes vagues des tempêtes
Comme sous les bienheureuses vaguelettes
Que le vieux Grec appelait rides de rire.
Ecoute - tout au fond de l'océan
Le coquillage arc-en-ciel chante.
Il est là, toujours, chantant silencieusement." Le secret de Katherine Mansfield
"Un golfe de silence l’un de l’autre nous sépare.
Je me tiens sur une rive, toi sur l’autre.
Je ne peux te voir ni t’entendre, mais je sais que tu es là.
Souvent je t’appelle par ton nom d’enfance
Et m’imagine que l’écho de mon cri est ta voix.
Quel pont pourrait joindre les rives de ce golfe ?
Ni la parole ni le toucher.
Autrefois je pensais que nous le comblerions de nos larmes ;
À présent je veux le briser par notre rire." Le golfe de Katherine Mansfield
"Katherine Mansfield, c'est une petite s?ur de Rimbaud surgie des antipodes: une très grande dame des lettres britanniques, mais aussi une voleuse de feu qui ne cessa de s'immoler sur les brasiers de l'absolu. Diable au corps, semelles de vent, frange d'ébène, elle incarnait l'ivresse et l'aventure, comme un météore en perpétuelle incandescence. Morte trop jeune, fauchée par la tuberculose sans avoir jamais pu s'attacher nulle part, elle restera l'éternelle vagabonde des années 1900: toujours en quête de lumière, elle s'escrima à vivre - et à écrire - à la vitesse de l'éclair. C'est sans doute pour cette raison qu'elle composa tant de nouvelles, le genre le plus fulgurant de la littérature. «Pas de romans, pas d'histoires compliquées, rien qui ne soit simple et ouvert», note-t-elle dans son éblouissant Journal.
Sa vie? Un trait de foudre. Née en 1888 en Nouvelle-Zélande dans une famille de la bourgeoisie puritaine, Katherine Mansfield découvrit Londres à 14 ans, suivit les cours du Queen's College et s'en revint au pays natal en 1906, avant de se réfugier à nouveau dans cette Angleterre libératrice qui lui permit d'échapper aux carcans et aux interdits familiaux. C'est là qu'elle se maria, divorça, puis rencontra John Middleton Murry, un ami du groupe littéraire de Bloomsbury qu'elle épousa en 1918. Mais ce fut encore un mariage orageux, à l'image du bref destin de cette nouvelliste tchékhovienne dont la santé fut aussi délicate que sa prose: après de longs séjours en Bavière, en Provence, en Italie et en Suisse, elle mourut en janvier 1923, à 34 ans, dans cet institut Gurdjieff de Fontainebleau qui ressemblait à un goulag pour illuminés. Quelques mois avant de s'éteindre, terrassée par une quinte de toux, elle avait écrit dans son Journal ces mots qui sont une sorte d'autoportrait: «Dans le jardin d'automne, les feuilles tombent. Petits pas qui se posent, comme un chuchotement léger. Ils dansent, tourbillonnent, virevoltent, frémissent.»
Elle aussi virevoltante et frémissante, Katherine Mansfield s'envola en laissant cinq volumes de nouvelles étincelantes: Félicité, La garden party, Le nid de colombes, Quelque chose d'enfantin et Pension allemande. Que s'y passe-t-il? En apparence, presque rien. Des instants de vie, des moments fugitifs, des murmures, quelques rides à la surface du quotidien. Aussi vive et subtile qu'une Virginia Woolf, Katherine Mansfield est une pointilliste, une ballerine qui cueille l'éphémère pour en révéler la pureté, mais également la fragilité. Comme si tout allait sombrer au bout de la phrase, parce que la mort est passée par là: c'est impalpable, c'est toute la vérité, toute la tragédie de la vie saisie entre les mailles d'une écriture qui s'agrippe à l'enfance, aux souvenirs, au présent, à la lumière, à la magie d'un paysage ou d'une rencontre, au parfum d'un magnolia, à l'insoutenable légèreté des choses. "
L'Express Abo
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