Les trois soeurs ?
Bon, il y a celles de Anton Tchekhov et beaucoup d'autres aussi... On ne parle jamais du roman "Les trois frères" et je me demande bien pourquoi, ça me semble interessant ?
https://www.babelio.com/livres/Tchekhov ... oeurs/3806
https://www.lesarchivesduspectacle.net/ ... 212_25.pdf
Georges Seferis
Un vieillard sur le bord du fleuve
Il faut pourtant considérer comment nous avançons ;
Sentir ne suffit pas, ni penser, ni bouger,
Ni exposer son corps aux vieilles meurtrières
Quand l’huile bouillante et le plomb fondu
Creusent les murs de leurs coulées.
Il faut pourtant considérer vers quoi nous avançons,
Non pas comme le veulent notre douleur, nos enfants affamés
Ni le gouffre de l’appel des compagnons de l’autre rive ;
Ni comme le chuchote la veilleuse couleur d’encre d’un hôpital de fortune,
Ou le flamboiement pharmaceutique contre l’oreiller d’un garçon opéré à midi ;
Mais d’une autre façon, peut-être veux-je dire comme
Ce long fleuve qui sort des lacs enfermés au cœur de l’Afrique
Qui fut un dieu jadis, puis devint route et donateur et arbitre et delta,
Qui n’est jamais identique, comme nous l’ont appris les anciens sages,
Et pourtant il reste toujours le même corps, le même lit,
Le même signe,
La même orientation.
Je ne demande rien d’autre que de parler simplement, que cette grâce me soit accordée.
Notre chant, nous l’avons surchargé de tant de musiques
Qu’il s’est englouti peu à peu
Et nous avons tellement enjolivé notre art
Que son visage s’est noyé dans les dorures.
Et il est temps de dire les quelque paroles
Que nous avons à dire : demain notre âme hisse la voile.
Si la souffrance est humaine, nous ne sommes pas hommes pour souffrir seulement ;
Et c’est pourquoi, ces derniers jours, je pense tellement au grand fleuve,
A cette signification qui avance parmi les plantes et les herbes,
Les animaux qui paissent et se désaltèrent, les hommes qui sèment et qui moissonnent
Parmi les grands tombeaux et les petites maisons des morts,
Ce courant qui suit sa route et n’est pas tellement différent du sang des hommes,
Ni des yeux des hommes lorsqu’ils regardent au loin sans éprouver de crainte dans le fond de leur cœur,
Sans cette angoisse journalière pour les petites choses ni même pour les grandes,
Quand ils regardent loin comme le marcheur
Dont la coutume est de se guider sur les étoiles
Et non comme nous, l’autre jour, qui regardions, derrière la grille,
Le jardin clos de la maison arabe endormie,
Le frais petit jardin changer de forme, grandir et s’amenuiser,
Changeant nous aussi, tandis que nous regardions
La forme de notre désir et celle de notre cœur
En plein midi, nous, pâte patiente d’un univers
Qui nous pousse et nous façonne,
Prisonniers des filets chatoyants d’une vie qui fut juste et devint cendre
Et s’engloutit dans les sables,
Ne laissant plus derrière elle
Que l’indéfinissable, le vertigineux balancement d’un très haut palmier.
Georges Séféris, Le Caire, 20 juin 1942,
traduit par Jacques Lacarrière et Egérie Mavraki,
Poèmes 1933-1955, Ed. Gallimard.
rd au bord du fleuve, dans: Journal de bord (Héros-Limite, 2011
et de Pablo Neruda retrouvé :
Il meurt lentement
Celui qui ne voyage pas,
Celui qui ne lit pas,
Celui qui n’écoute pas de musique,
Celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.
Il meurt lentement,
Celui qui détruit son amour-propre,
Celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
Celui qui devient esclave de l’habitude
Refaisant tous les jours les mêmes chemins,
Celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
De ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement,
Celui qui évite la passion
Et son tourbillon d’émotions,
Celles qui redonnent la lumière dans les yeux
Et réparent les cœurs blessés
Il meurt lentement,
Celui qui ne change pas de cap
Lorsqu’il est malheureux
Au travail ou en amour,
Celui qui ne prend pas de risques,
Pour réaliser ses rêves,
Celui qui pas une fois dans sa vie,
N’a fuit les conseils sensés.
Vis maintenant !
Risques-toi aujourd’hui !
Agis tout de suite !
Ne te laisse pas mourir lentement !
Ne te prive pas d’être heureux !
Pablo Neruda
(Traduction d’un discours)
et maintenant Francis Jammes un texte retrouvé sur ce fil :
Prière pour aller au paradis avec les ânes
Lorsqu'il faudra aller vers vous, Ô mon Dieu faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera. Je désire ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grand route
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis,
car il n'y a pas d'enfer au pays du Bon Dieu.
Je leur dirai : Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreilles
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles...
Que je vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié.
J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portaient au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bosselés,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons,
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.
Mon Dieu, qu'avec ces ânes je vous vienne.
Faites que dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel