l'hiver
Posté : dim. 02 déc. 2018, 21:44
Pour vous occuper avant Noël voilà quelques textes sur l'hiver je ne sais pas qui pouvait bien être cette Luna mais elle avait de bonne idées
par Luna » dim. nov. 28, 2010 5:59 pm
Je vous avais dit que j’essaierais de coller à la saison, au mois, à l’heure. L’hiver a fait son apparition et pour les automobilistes les ennuis ont commencés. Pourtant, pour le moment ce n’est qu’un tout petit hiver, un hiver pour les enfants qui adorent ça, l’hiver.
Quand la neige commence à tomber, j’éprouve toujours le besoin de relire quelques pages des Lettres d’exil, une correspondance entre Ariane Efron, la fille de la poétesse russe Marina Tsvétaïeva, et Boris Pasternak. Quand en 1949 elle est envoyée en relégation à Touroukhansk en Sibérie, elle a déjà derrière elle huit années d’une existence inhumaine, elle a purgé sa condamnation mais elle n’est pas libre. Elle passera encore sept années en exil et ne rentrera à Moscou qu’en 1955.
Pour en savoir plus sur la vie de cette femme il y a ces lettres parues en chez Albin Michel en 1988 et plus récemment un livre d’Ariane Efron : Chroniques d’un goulag ordinaire 1942-1955, chez Phébus.
Un roman a paru sur sa mère : Le roman de marina, dit « romanvrai » par Dominique Desanti, chez Arléa poche.
10 octobre 1952
Elle écrit à Pasternak, « Ici c’est l’hiver, et les premiers temps, tant que la lassitude ne s’est pas installée, c’est merveilleux. La vie tout entière est à nouveau écrite en noir et blanc ; la neige est toute fraîche, et sur elle tout semble neuf et petit, les isbas, les gens, les chevaux et les chiens. Seul le fleuve, comme toujours, ne dégage absolument pas cette atmosphère d’intimité, son mouvement incessant a beau être immobilisé par les glaces, continue d’inquiéter l’âme comme avant.
Le ciel est toujours bas, proche et plus compréhensible que partout ailleurs. Le soleil et la lune ici sont à deux pas (ce n’est pas comme à Moscou), on voit de ses propres yeux le Nord faire la pluie et le beau temps et on ne s’étonne de rien. Seulement, parfois l’aurore boréale soulève la voûte céleste à une telle hauteur qu’on est saisi de vertige, puis l’abaisse à nouveau et tout redevient normal >>
« Aujourd’hui le dernier bateau est parti. Il a quitté notre rivage sans beauté, en lançant sa sirène d’adieu, a mis le cap vers le sud, devançant de peu l’hiver. Et nous sommes resté sur le rivage, nous les gens, les radeaux, les meules de foin brun, les barques renversées, et la neige couvrait tout de minces flocons. Il fait encore doux mais l’horizon est aussi rose qu’une pastèque entamée, présage de froid. Mais à quoi bon t’écrire tout cela ? L’hiver c’est l’hiver avec la même nuance que l’expression de Tchekhov « une épouse est une épouse », et c’est tout dire.
Depuis le printemps jusqu’au moment où est tombée la première neige, j’ai souffert avec toutes sortes de besognes ménagères : réparations, bois de chauffage, je dis « souffert » parce que j’ai travaillé au-delà de mes forces, sans goût, non pas du tout parce que ce sont des occupations difficile ou pénibles, mais parce que je ne fais tout cela que pour moi, c’est indispensable et pourtant absolument inutile, tu comprends ? Et la nuit, sitôt couchée, je faisais le même rêve stupide : je traversais Paris, le soir tard, à la recherche du magasin « Le-Printemps », il surgissait d’un coin de rue, tout illuminé, j’entrais et passais la nuit à flâner, d’un étage à l’autre jusqu’à en avoir le tournis, au milieu des soies, des dentelles. Il faut dire que ce magasin m’est tout aussi inutile que l’ensemble de mon existence ici. >>
Voilà, c’était une voix venue de Sibérie…
Je retrouve ce main avec plaisir ce message vieux de plus de dix ans… Je relis toujours quelques poèmes ou textes concernant Marina Tsvétaïeva,
Je sais qu'elle a vécu comme moi quelques temps à Meudon dans la banlieue parisienne et je suis presque certaine que c'était dans le même appartement car des appartements comme celui de cet villa de Meudon même dans les année 70, on ne pouvais en trouver qu'un…. - et c'est en hiver que j'y vivais avec un compagnon dans cette très vieille villa située dans un beau jardin où nous n'avons pas tenu le coup longtemps on avait trop froid...
par Luna » dim. nov. 28, 2010 5:59 pm
Je vous avais dit que j’essaierais de coller à la saison, au mois, à l’heure. L’hiver a fait son apparition et pour les automobilistes les ennuis ont commencés. Pourtant, pour le moment ce n’est qu’un tout petit hiver, un hiver pour les enfants qui adorent ça, l’hiver.
Quand la neige commence à tomber, j’éprouve toujours le besoin de relire quelques pages des Lettres d’exil, une correspondance entre Ariane Efron, la fille de la poétesse russe Marina Tsvétaïeva, et Boris Pasternak. Quand en 1949 elle est envoyée en relégation à Touroukhansk en Sibérie, elle a déjà derrière elle huit années d’une existence inhumaine, elle a purgé sa condamnation mais elle n’est pas libre. Elle passera encore sept années en exil et ne rentrera à Moscou qu’en 1955.
Pour en savoir plus sur la vie de cette femme il y a ces lettres parues en chez Albin Michel en 1988 et plus récemment un livre d’Ariane Efron : Chroniques d’un goulag ordinaire 1942-1955, chez Phébus.
Un roman a paru sur sa mère : Le roman de marina, dit « romanvrai » par Dominique Desanti, chez Arléa poche.
10 octobre 1952
Elle écrit à Pasternak, « Ici c’est l’hiver, et les premiers temps, tant que la lassitude ne s’est pas installée, c’est merveilleux. La vie tout entière est à nouveau écrite en noir et blanc ; la neige est toute fraîche, et sur elle tout semble neuf et petit, les isbas, les gens, les chevaux et les chiens. Seul le fleuve, comme toujours, ne dégage absolument pas cette atmosphère d’intimité, son mouvement incessant a beau être immobilisé par les glaces, continue d’inquiéter l’âme comme avant.
Le ciel est toujours bas, proche et plus compréhensible que partout ailleurs. Le soleil et la lune ici sont à deux pas (ce n’est pas comme à Moscou), on voit de ses propres yeux le Nord faire la pluie et le beau temps et on ne s’étonne de rien. Seulement, parfois l’aurore boréale soulève la voûte céleste à une telle hauteur qu’on est saisi de vertige, puis l’abaisse à nouveau et tout redevient normal >>
« Aujourd’hui le dernier bateau est parti. Il a quitté notre rivage sans beauté, en lançant sa sirène d’adieu, a mis le cap vers le sud, devançant de peu l’hiver. Et nous sommes resté sur le rivage, nous les gens, les radeaux, les meules de foin brun, les barques renversées, et la neige couvrait tout de minces flocons. Il fait encore doux mais l’horizon est aussi rose qu’une pastèque entamée, présage de froid. Mais à quoi bon t’écrire tout cela ? L’hiver c’est l’hiver avec la même nuance que l’expression de Tchekhov « une épouse est une épouse », et c’est tout dire.
Depuis le printemps jusqu’au moment où est tombée la première neige, j’ai souffert avec toutes sortes de besognes ménagères : réparations, bois de chauffage, je dis « souffert » parce que j’ai travaillé au-delà de mes forces, sans goût, non pas du tout parce que ce sont des occupations difficile ou pénibles, mais parce que je ne fais tout cela que pour moi, c’est indispensable et pourtant absolument inutile, tu comprends ? Et la nuit, sitôt couchée, je faisais le même rêve stupide : je traversais Paris, le soir tard, à la recherche du magasin « Le-Printemps », il surgissait d’un coin de rue, tout illuminé, j’entrais et passais la nuit à flâner, d’un étage à l’autre jusqu’à en avoir le tournis, au milieu des soies, des dentelles. Il faut dire que ce magasin m’est tout aussi inutile que l’ensemble de mon existence ici. >>
Voilà, c’était une voix venue de Sibérie…
Je retrouve ce main avec plaisir ce message vieux de plus de dix ans… Je relis toujours quelques poèmes ou textes concernant Marina Tsvétaïeva,
Je sais qu'elle a vécu comme moi quelques temps à Meudon dans la banlieue parisienne et je suis presque certaine que c'était dans le même appartement car des appartements comme celui de cet villa de Meudon même dans les année 70, on ne pouvais en trouver qu'un…. - et c'est en hiver que j'y vivais avec un compagnon dans cette très vieille villa située dans un beau jardin où nous n'avons pas tenu le coup longtemps on avait trop froid...